dimanche 16 décembre 2012



CASSÉ

Voilà comment je me perçois suite à un séjour de 12 ans en psychiatrie. Il a fallu que je subisse le pouvoir psychiatrique pour en arriver là. Après quatre ans environ en isolement (in and out) je me suis confessé de choses dont je n’étais pas fier. J’étais en train de devenir fou avec ce régime et ce tracteur qu’on appelle la réalité; ça écrase. Comme me disait ma criminologue, « c’est comme deux porc-épic si on veut qu’il se rapproche, il faut lui enlever ses épines ». Même mon avocat employait l’image de l’arbre qu’on a coupé et sur lequel apparaissait de petites repousses. C’est ce qui m’attendait et toujours au dire de mon avocat c’est cela ou le suicide.

Donc fini la violence, la haine, l’agressivité, l’intellectualisation; fini mon caractère de bourgeois qui veut tout et tout de suite. Ils ont enlevé de mauvaises choses, mais ils en ont enlevé de bonnes aussi. Fallait que je me soumette à la toute puissante psychiatrie; ce titan au pied d’argile.

Comme le disait le docteur Lamontagne, « le béhaviorisme c’est la chirurgie de la psychiatrie ». Aujourd’hui, je suis libre mais si je regarde en arrière avec humilité je crois qu’ils n’ont pas toujours eu tort. Je n’étais pas un cadeau. Pas de retour en arrière possible. J’ai perdu la raison pour avoir raison.

Mais dans mon combat, je n’avais pas tort non plus. Je philosophais et maintes fois j’ai parlé de l’âme et dans tout cela n’avais-je pas droit à mon jardin secret moi aussi. Un strip-tease de l’âme voilà à quoi cela ressemble et je n’ai pas eu le choix, on m’a forcé la main et l’on m’a même amené à la cour pour obtenir une ordonnance pour me médicamenter contre mon gré.

N’est-ce pas normal que lorsqu’on est enfermé, de devenir agressif? A-t-on toujours le choix? À cette question je réponds non parce qu’on subit parfois. Est-ce la psychiatrie qui m’a cassé ou est-ce la maladie? Ma souffrance était-elle causée par mes conditions de vie ou par la maladie? Je ne sais pas.

J’étais sincère et le but que je poursuivais c’était d’améliorer la société ne serait-ce que d’un centimètre. Je crois que ce qu’il me reste à faire c’est de gober la pilule et d’accepter que je serai toujours deuxième avec la psychiatrie.

Avant « je savais », aujourd’hui « je ne sais pas ». Voilà ma confession, mais j’aimerais bien que la psychiatrie avoue aussi son ignorance.


Auteur : Michel Blais

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